Des coquilles, mais sans casser d’œufs
Elles se glissent partout ! Les coquilles relèvent de diverses causes : faute d’inattention, frappe à la va-vite, non-relecture, méconnaissance de certaines règles typographiques.
Mais c’est plus souvent une conjonction entre une question de vitesse et d’attention. Car, même si certains auteurs se relisent, ils ne vont pas forcément « voir ». C’est d’ailleurs leur réponse habituelle quand on leur fait remarquer une coquille : « Ah merci, je n’avais pas fait attention”… Trop habitués, peut-être, à une lecture dite en diagonale.
À l’origine, une « coquille » est le fait d’intervertir deux lettres dans un mot (d’en oublier une ou d’en ajouter une) ce qui peut provoquer des bizarreries. Même si le lecteur comprend ce qu’il lit, c’est tout de même gênant. Au fait, pourquoi parle-t-on de casse et de coquille ?
Plus d’info.
Retour à la « casse » départ
Quand j’étais étudiante, les Macintosh® n’étaient pas encore répandus. Les deux modèles principaux sur le marché, à la fin des années 80 – dont le disque dur oscillait entre 40 et 80 Mo (sic) – étaient souvent trop chers pour un étudiant, lequel devait se rabattre vers une machine à écrire électronique qui valait quand même autour de 1 000 francs à l’époque.
Un jour, je me souviens avoir visité une « vieille » imprimerie dans le 18e arrondissement de Paris, dans l’antre de laquelle on pouvait voir, humer et entendre des rotatives quatre couleurs et, dans une pièce attenante, découvrir les fameuses casses (tiroirs de rangement découpés en compartiments, appelés cassetins) où dormaient sagement les lettres en plomb. Chaque casse était d’une famille de typo (police de caractère) comme Univers, Vendôme, Helvetica, Garamond, Didot, Elzévir…
C’était à la fois fascinant et émouvant. Les ouvriers de cette imprimerie fonctionnaient encore « à la main ». On prenait le temps de placer les lettres. Les minuscules étant plus souvent utilisées que les majuscules ; elles étaient donc rangées dans le bas de la casse, d’où leur surnom de « bas de casse » encore usité, notamment dans les métiers graphiques.
Certes, il y avait parfois des fautes, mais étrangement beaucoup moins que ce que l’on peut voir défiler aujourd’hui… Et ce, alors que nous avons tous les outils modernes pour effacer et corriger avant diffusion ou impression. Les typographes prenaient le temps alors…
Image : musée de l’imprimerie de Lyon.
La vitesse des outils technologiques
La cause des erreurs qui fleurissent dans les contenus Web, provient souvent du fait que l’on tape rapidement ce que l’on a envie ou besoin de dire, focalisé par le fond, par sa réflexion ou par l’information à transmettre, mettant alors de côté la forme. On est moins concentré. Le phénomène de vitesse, comme celui du zapping, a envahi notre société en quelques décennies, la jetant littéralement dans une schizophrénie de l’instant et de l’éphémère.
Alors imaginez, quelle perte de temps que de se relire plusieurs fois ! Vite, vite, vite, il faut « produire » un billet par jour pour nourrir son blog et être le mieux référencé… Peu importe que certains écrits soient sans intérêt… L’enjeu est semble-t-il d’être actif dans l’instant donc sans possibilité de recul, de relecture, de perfectionnement. On tape frénétiquement sur son beau clavier ergonomique et hop ! on envoie. Alors bien sûr, les fautes de frappe sont normales. Sauf que…
Les erreurs les plus courantes
Ce ne sont pas forcément des « coquilles » au sens premier du terme (faute de frappe) mais parfois de vraies fautes d’orthographe ou de grammaire… :
- Chiffre d’affaire : au lieu de chiffre d’affaires.*
- Quelque soit / Quelques soient : au lieu de quelle que soit / quel que soit / quels que soient / quelles que soient (selon le sujet qui suit). Cette erreur est très fréquente !
- Pallier à : au lieu de pallier quelque chose.
- Le e dans l’o (œ) oublié : œuvre, œuf, bœuf, œillère, œdème, fœtus, mœurs… (ALT + o).
- Trait d’union : très souvent oublié, on rencontre encore des « c’est à dire » (cf. billet précédent).
- Les espaces non respectées : on voit souvent le deux-points collé au mot. (Au fait, on dit « une » espace.)
- Quatre points de suspension : au lieu de trois. Ici, la sensibilité du clavier y est souvent pour quelque chose… (d’où l’intérêt de relire attentivement).
Cela dit, à la décharge des auteurs de billets, écrire et relire (pour ceux qui se relisent) directement sur écran, relève de l’héroïsme, pour peu que nos yeux soient « explosés » à la fin d’une journée. Notre regard a beau balayer des lignes, la profusion de l’info écrite, ces tonnes de textes auxquelles nos rétines sont soumises, est un risque pour des coquilles, qui peuvent alors nous échapper.
Enfin, il faut tenir compte des (nombreuses) personnes dyslexiques pour qui le clavier peut se révéler un chemin de croix.
Mais les coquilles peuvent également être une source de contresens malencontreux : drôles la plupart du temps, elles peuvent se révéler tout aussi dramatiques. Alors attention ! Dites-vous que lorsqu’on écrit dans la langue de Proust, c’est comme si l’on marchait sur des œufs…
P.-S. : si jamais vous aperceviez une « coquine » dans ce billet, vous seriez tout à fait en droit de me casser un œuf sur la tête… 😉
* Un bel exemple capturé au vol ! : le 29 mars 2013, l’émission C À VOUS recevait Marc Simoncini au sujet de la vente de lunettes en ligne et pour illustrer leur coût par pays, la rédaction montra à l’écran un visuel...