On apprenait en juin que la start-up Textmaster levait des fonds conséquents pour son développement : une plate-forme qui est donc supposée rentable. Et pour cause… à 6 cts le mot !
Ce troisième volet sur la rédaction Web aborde l’aspect de la course à la rentabilité (pas la même pour tous).
Selon vivre de son blog, l’affaire est entendue : le marché aux esclaves se porte bien.
Web : des contraintes qui tirent la rédaction vers le bas
Moi qui viens du journalisme classique, je ne peux que comprendre le questionnement posé par cet article paru dans l’Express le 5 juillet Course à l’audience, uniformisation, le journalisme Web tiré vers le base et qui rejoint ma précédente réflexion 2/3 (La rédaction Web est-elle compatible avec la vitesse ?).
Dans la foulée – sur ce thème de la rédaction journalistique – un excellent billet paru en 2012, sur le même sujet, mais vu de l’intérieur et bien plus détaillé ! :
« Je n’avais pas signé pour ce journalisme Web« .
Mais, quelle que soit la forme rédactionnelle, la rentabilité pour un « vendeur de contenu » passe par le low cost (= rédacteur sous-payé), ce n’est pas une nouveauté hélas. Ce qui est embêtant – outre la paupérisation dudit rédacteur – est ce que devient la qualité du message.
90 % des contenus sont sans réel intérêt, c’est-à-dire n’apportant rien au final. Les éléments qui définissaient sa valeur ont changé leur fusil d’épaule : la valeur d’un article n’a plus la même définition aujourd’hui, le seul but étant de faire l’audience (même si cela n’est pas nouveau).
En termes de rédaction journalistique sur le Web, par exemple, le danger est clair : terminés les reportages d’investigation, les critiques, les remises en question ; place à une pensée unique, pardon, plus de pensée… plus de recul, plus de mise en perspective, pire, pas le temps de vérifier les faits. Du gavage d’oie au premier degré en quelque sorte.
En rédaction Web, nous allons retrouver les mêmes pressions relatives à l’audience et au but principal : fédérer.
Du contenu, quel qu’il soit, pourvu qu’on ait du contenu, même insignifiant, dont le but est de pousser l’internaute à devenir un consommateur-accroc pavlovien juste bon à cliquer.
Remplir, pour générer du trafic, un point c’est tout. Par conséquent, ici, la tactique mathématique prévaut sur la qualité du propos.
Rentabilité VS Qualité : qui paie les pots cassés ?
Tout travail mérite salaire et, oui, la qualité a un coût. Si l’on veut un contenu orienté purement SEO, pour faire le clic et rien d’autre, et le plus vite possible, alors le marché aux robots a de beaux jours devant lui.
D’ailleurs, soit dit en passant, sachez que les robots vont remplacer beaucoup de choses à termes, qu’on se le dise pour ceux qui cherchent un métier…
Les humains producteurs de contenus dans ce contexte sont sous-payés, particulièrement ceux qui acceptent de passer par ces plate-formes.
Personnellement, vous ne m’y trouverez jamais n’étant pas marchande de tapis de mon état… Écraser les prix à ce point dessert la profession.
Bientôt, on nous demandera de travailler gratuitement ! Les dérives de la rédaction Web se sont installées depuis quelques années déjà. (Merci Google.)
Le but étant d’aller vite, la course à l’audience est rarement compatible avec la qualité. Mais créer du contenu demande un minimum de temps (et de savoir-faire, n’oubliez pas).
À propos des tarifs professionnels, un petit rappel s’impose avec cet excellent billet d’humeur d’une collègue qui ne mâche pas ses mots, parlant d’otages à propos des rédacteurs Web : « La vérité sur les tarifs de rédaction Web« .
Buzz immédiat VS audience durable
Heureusement, il reste (comme le village gaulois d’Astérix) des irréductibles du verbe. Voire des irréductibles de la qualité, et ce des deux côtés, c’est-à-dire des gens (fournisseurs ou sous-traitants) qui savent qu’en matière de communication, l’image passe par la qualité.
En fait, tout dépend de l’objectif. Une marque qui souhaite installer une belle image sur le long terme, aura tout intérêt à choisir un rédacteur professionnel de bon niveau (donc plus cher, enfin au tarif normal, j’ai envie de dire). C’est assez logique.
On entend régulièrement des commerçants dirent « je veux vendre plus, je veux plus de clients, mais je ne veux pas sortir un kopeck« .
Si un client ne souhaite pas mettre de budget, c’est qu’il n’a pas compris la relation entre faire marcher un commerce/une activité et une bonne communication…
Or, installer une image (notamment digitale) demande une stratégie, de la patience, de la régularité.
Dans cette approche, le rédacteur a toute son importance, et le temps qu’il passe pour rendre efficace le message de son client requiert de la considération, à commencer par une juste rémunération.
Très bonne réflexion, d’autant que la course vers les titres qui claquent où le contenu est considéré comme du simple remplissage ne s’arrête pas. Heureusement, il y a encore beaucoup de très bons blogs !
Merci Simon.
Difficile de résister. En tout cas, on peut choisir l’une des ces deux démarches principales : 1. du snacking courtermiste, que je n’appelle pas rédaction mais, en effet, remplissage ; 2. du contenu de qualité, avec du sens, et qui se pose davantage dans la durée (SOC). Chacun son objectif et son éthique. Au milieu, des contenus essaient à la fois d’informer et de plaire aux algorithmes, tout en respectant le lecteur et en résistant à la pression temporelle. Une vision des choses qui n’a pas toujours le même cadre. Comme on dit, chacun voit midi à sa porte. Dans la première démarche sous-traitée, c’est vraiment le low-cost qui est insupportable.