Récemment tombée sur la rediffusion d’une émission de radio sur l’entreprise, à un moment, j’entends l’un des invités déclarer : « La data est le nouvel ADN des entreprises. » Je comprends qu’il veut dire surtout le nouvel eldorado. Mais comment les rendre séduisantes sinon en les habillant de storytelling ?
Entendons-nous : une data – donnée en français – est tout simplement une info ou un élément d’information.
Or, cela ne peut pas être qualifié de « nouvel » ADN des entreprises, puisque… ce n’est pas nouveau. Les « données », généralement chiffrées, ont toujours fait partie des entreprises !
En effet, ce type d’information – à ne pas confondre avec la communication – est par définition une obligation. Ne serait-ce par exemple qu’à travers les résultats d’activités.
Mais aussi à travers la veille.
D’ailleurs, le benchmarking, qui sévit depuis plus de vingt ans, en provient. Cette pratique englobe aussi bien la veille informationnelle que la veille économique, ou la veille concurrentielle. Nous avons également les données des statistiques SEO, SEA, SMO ou SME.
Aujourd’hui, on a tendance à nommer « donnée » presque tout : big data (megadonnées), AI, data protection, open data, database, data lake, data mining, data journalisme, data science… sans oublier les data centers.
Tout ce qui passe par l’informatique, par la tech, par le digital. On parle même de « forfait data ». Bref, de la data en veux-tu en voilà ! Au risque de devenir data-dingue.
Ce qui a évolué est la façon de les utiliser
Des tas de rapports empilent des tas de données à digérer, à trier et à exploiter…
Mais big data, knowledge graph ou simple benchmarking, franchement, une donnée reste une donnée.
Récoltées par centaines, parfois algorithmées, elles occasionnent des résultats, des analyses quantitatives, certes. Mais ensuite ?
Ce qui compte est l’interprétation que l’on en fait.
Que veulent-elles dire ?
Comment peuvent-elles nourrir des conclusions débouchant sur de bonnes décisions ?
Le savoir, ce n’est pas la culture. Une donnée est une info, une source. Seule et unique, elle ne va pas très loin. Multipliées, séquencées et recoupées, elles débouchent sur des prévisions possibles dans le cadre des activités humaines.
Mais comment en extraire tout leur sens ? Et partager leur intérêt ?
En les rendant à la fois attractives dans leur présentation et signifiantes dans leur contenu.
Que l’on se dise à la fin du dernier slide « Oui, bien sûr ! c’est évident… »
Que l’intérêt de vos données soit perçu comme une évidence.
C’est là que le « data storytelling » entre en action.
On le voit écrit parfois Data Storytelling, ou data-storytelling (maj et/ou trait d’union).
On dit aussi storytelling de données ou avec des données puisqu’en anglais on aura aussi « storytelling with data ».
Attention, on aurait envie d’écourter en disant DataStory™, mais c’est déjà une marque, ou plutôt le titre d’un livre blanc.
Le data storytelling pour mieux les diffuser
Interpréter des données a longtemps été source d’heures passées sur PowerPoint, avec plus ou moins de succès.
Un rédacteur distribuera en interne un document froid rempli de données, d’ailleurs plus ou moins complexes.
Tout au long de l’année, des centaines de lectures de ce type, qui se ressemblent toutes, défilent entre les mains de cadres, la plupart du temps via leurs écans.
Mais une fois coloriées et légendées pour être visualisées, que racontent-elles vraiment ?
Les données (data) sont souvent une succession de chiffres. Un tableau ressemble à un autre. C’est comparable à la malbouffe, à du MacDo. Au final, cette nourriture n’apporte rien à votre métabolisme.
C’est comme si vous mangiez tous les jours un plat de pâtes servies nues, sans saveurs.
Mais ici, c’est votre cerveau qui sature : indigestion en vue !
C’est là que le storytelling fait mieux que le ketchup. Il faut le voir comme une sauce originale qui va agrémenter ces « data-pâtes » et faciliter leur digestion.
But :
– favoriser leur visibilité, leur compréhension et leur mémorisation ;
– les faire « parler » pour les rendre plus accessibles, voire attachantes, donc mieux appréciées ;
– les faire vivre avec l’objectif qu’elles vous touchent.
En cuisine, on entend souvent que la sauce fait la différence et que c’est tout un art…
Eh bien le data storytelling est l’art et la manière de raconter des données. C’est la sauce « récit » que l’on ajoute.
Les données vont pouvoir être mises en perspective et faire partie d’une histoire. La sauce devient un fil conducteur.
Créer une visualisation des données pour leur donner vie ! Celles-ci auront été préalablement triées, hiérarchisées pour utiliser les plus pertinentes.
Vous allez me dire qu’en matière de visualisation de données, il existe aujourd’hui pas mal d’outils pour agrémenter des images, de plus en plus interactifs d’ailleurs.
Pourtant, un schéma, même en couleurs et en mouvement, reste un schéma.
Le data storytelling va permettre d’apporter de l’émotion à une présentation. Elle est l’étape supérieure… Lire aussi « La donnée enchantée« .
Du reporting à la contextualisation
Et la data visualisation (dataviz) ? Elle sert de pont entre le reporting (analyse des données) et le data storytelling qui va habiller vos données d’une histoire pour être mieux comprises.
Nous avons donc : récolte de l’information (reporting) puis présentation de celle-ci (visualisation) et enfin sublimation de cette présentation sous forme d’histoire (storytelling)…
Comment passer d’un ennuyeux PowerPoint à un véritable scénario ?
J’aurais aussi bien pu titrer mon article « Le data storytelling ou comment rendre des données vivantes« .
Contexte, cible, support sont trois paramètres à travailler dans le cadre d’une « narration de données » ou data storytelling.
Certains articles opposent les deux approches, Data Visualition et Data Storytelling . En réalité, elles sont complémentaires !
Le Dataviz (de l’anglais Data Visualization) est déjà une avancée. Il offre aujourd’hui des possibilités plus intéressantes grâce à de la créativité et des applications plus ludiques.
Il existe pas mal d’outils qui permettent d’animer vos slides. (Prezi, ou par exemple l’option éponyme Data Story liée à Microsoft Excel.)
Et c’est une plus-value que de présenter vos éléments d’information de manière animée, voire augmentée.
Mais vous pouvez aller plus loin grâce au storytelling.
Pourquoi choisir de mettre en récit des données
Pour mettre en valeur leur intérêt.
La frontière peut parfois sembler mince entre du data visualisation et du data storytelling…
Pour plus d’implication et de sens, permettant une adhésion du public ciblé (décideurs, etc.), le data storytelling va offrir plus de puissance au message.
Si une présentation visuelle de données (dataviz) peut se passer de storytelling, l’inverse est moins efficace.
Le Data Storytelling, apporte une dimension narrative plus élaborée. Une vision plus large, « holistique ».
On va penser structure, cible, objectif, message.
Il est acquis que les histoires en général apportent du sens au monde qui nous entoure. C’est la même chose pour vos données. Le data storytelling permet de mettre en perspective des données a priori brutes et froides.
Il ne s’agit pas ici de taper du texte en continu… Une alternance, ou plus souvent un mix entre visuel, titre, donnée chiffrée et texte est une forme agréable de transmission d’une idée principale via la narration.
Vous pouvez utiliser des outils de visualisation de données, mais les accompagner d’un récit séduit bien plus pour convaincre des cibles à prendre une décision.
Visible + Lisible = Attirant + Compréhensible
Le Data Storytelling va donc utiliser du Dataviz : les deux combinés vont renforcer le message et donc sa transmission. Le but étant de faire réagir.
Mis en récit, le sens des données devient plus réaliste, avec davantage de proximité. Il prend ainsi plus de poids et votre objectif décisionnel aura davantage de chance d’aboutir.
La toute première action à faire est de choisir quelles sont vos données les plus importantes à vos yeux.
Puis mettez tout en œuvre pour tailler ces données brutes comme on taille un diamant…
Comment raconter des données
Le but est de transformer des chiffres en idées à exploiter.
Le processus de création repose sur deux aspects : le contenu et la présentation.
Contenant et contenu sont indissociables
Et ces deux aspects demandent de se poser une série de questions.
- La cible > quels profils voulez-vous voir réagir ?
- Le message > que voulez-vous faire passer comme information ?
- Le support > quelle forme de présentation ?
Vos réponses à ces questions facilitent la suite.
On essaiera de préciser au maximum les objectifs, les besoins attendus de la cible. Par exemple les réponses que vos données doivent apporter, en vue de déclencher une action.
Une idée principale
Afin de rendre votre partage de données efficace, commencez par garder les données qui vont être les plus représentatives et essentielles dans votre démonstration.
Déterminer la donnée la plus à même de servir votre argumentation pour atteindre la réponse inscrite dans votre objectif.
Choisir quelle histoire conviendra le mieux à votre audience. Souvent, l’histoire se trouve au cœur même des données…
« Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » demandait Lamartine. Les données ont-elles, elles aussi, une âme ? En tout cas, elles existent et prennent vie à travers ce que vous en faites, et suivant la manière dont vous les utilisez.
En les contextualisant et en les habillant de sens grâce à un récit auquel on peut s’identifier, vous facilitez leur compréhension. Leur lecture en devient presque un plaisir.
Cette mise en perspective peut par exemple créer un pont entre un rappel historique et une projection.
Chaque slide ou diapositive doit afficher un titre.
Le visuel est le premier contact qu’a notre cerveau face à un document. Le temps des listes à puces est révolu car monotones et moins impactantes qu’une véritable histoire.
Maintenant, même si une belle mise en page, une super animation, une belle photo vous attirent, elle doivent aussi servir un message…
N’oubliez pas que l’interprétation de vos données reste primordiale.
Le choix du texte, des mots justes clairs, logiques, s’inscrit dans une vision globale.
L’utilité d’une donnée n’est pertinente que si elle arrive à convaincre.
Trouver l’équilibre entre textes et visuels
Des supports variés
> Une infographie peut raconter une histoire, avec des dessins, allant même jusqu’à une forme de bandes dessinées où des données chiffrées peuvent être contextualisées.
Attention, si les infographies sont très tendances, beaucoup se contentent de présenter des chiffres de haut en bas, avec une image, des couleurs, des flèches, des pictos, des légendes. Mais sans plus…
Finalement, on a parfois un risque d’overdose et surtout de rester sur sa faim, sans explications. Le changement a évolué au niveau du visuel, mais pas forcément au niveau de l’interprétation, faute de narration.
> Des graphiques animés : certes, vous pouvez continuer à utiliser des graphiques. Néanmoins, même optimisés, ces derniers restent froids s’ils ne sont pas accompagnés d’un minimum de texte racontant une histoire.
> On peut utiliser une carte. Des tas d’applications en ligne permettent aujourd’hui de rendre vos présentations. Encore une fois, tant mieux pour l’efficacité. Néanmoins, on oublie parfois qu’un travail sur le sens, un travail d’interprétation, de réponse autour d’une donnée, est impératif.
> Les photos : elles sont mémorisables. Si elles ont du sens, elles peuvent être utiles. Vous pouvez par exemple les agrémenter de pictos, de flèches, de bulles de légendes.
> Pour ceux qui ont un budget, une vidéo avec une véritable animation, est évidemment encore plus percutante.
Tout ce qui ne sert pas d’argument ne doit pas être exploité. Une donnée, un visuel et/ou un chiffre qui n’apportent rien risquent de créer de la confusion. Balayez les « scories ». Une sélection en amont est indispensable.
Dans tous les cas de figure :
- Inscrivez votre message dans une narration utile.
- Pensez sobriété allez à l’essentiel.
- Évitez l’infobésité et l’imagobésité.
- Gardez un fil rouge.
- Privilégiez les données qui ont du sens, en adéquation à la fois avec l’objectif fixé et le profil psychologique de vos cibles.
- N’oubliez pas que l’émotion est la base de toute forme de storytelling.
- Posez-vous la question de savoir si vos données mises en perspective répondent au besoin décisionnel défini au départ et permettent de convaincre jusqu’à déclencher la bonne réaction.
Il existe encore peu de littérature sur le sujet en français.
En savoir plus :
Définition
Four-storytelling-techniques-to-bring-your-data-to-life
Un commentaire sur “Le data storytelling ou comment rendre des données convaincantes”