Marketing « genré » : le mélange des genres

Le marketing genré rend fébriles les services de communication. Depuis quelques temps, la notion de genre s’invite dans les ré(d)actions, débouchant sur des comportements parfois radicaux. Par souci d’équilibre, on finit par tout niveler, quitte à friser le ridicule (heureusement qu’il ne tue pas).

Ainsi le célèbre « Monsieur Patate » (1952) se voit cloué au pilori.
Ce personnage ne m’a jamais choquée (je le trouvais surtout très moche) – et pourtant je suis une fille ayant grandi dans les seventies, en pleines (vraies) revendications féminines ! Une « Madame Patate » a fait son apparition dès 1953.

Mais aujourd’hui, pour ne heurter personne, la célèbre marque « Monsieur Patate » serait en passe de devenir « Patate » tout court. Source.

Permettez-moi de trouver cela assez idiot. Car un enfant peut très bien comprendre qu’un Monsieur Patate ou une Madame Patate puisse être éventuellement gay. Que les dirigeants de Hasbro prennent des décisions pourquoi pas. Mais alors quid des trans et autres pan, bi, queer, asexués, etc. ? L’approche est sans doute la prudence : avec « Patate », chacun choisit son genre.
Et d’abord pourquoi « une » patate et pas « un » patate ? (J’aime bien titiller.)

En fait, ce n’est pas trop tôt que l’on reconnaisse la diversité des genres. Mais la façon de le faire est assez révélatrice de notre époque dénuée de réflexion. Ici, la première démarche de la firme Hasbro est d’annuler le genre, quel qu’il soit. Casse-gueule, on vous dit.

Quel que soit le sexe, le plus important est l’amour, l’amitié, la reconnaissance, la compréhension, l’indifférence (et non pas la tolérance, qui souligne que l’on tolère sans forcément accepter).

Madame, Monsieur, bonjour

Dans ce cas, pourquoi ne pas s’élever concernant le produit « Monsieur Propre » et l’affubler d’une Madame Propre ? Les féministes crieraient au scandale si un produit intitulé ainsi sortait sur le marché ! Leur énervement serait sans doute légitime. Suivant la logique de « l’affaire des patates », pourquoi alors ne deviendrait-il pas tout simplement « Propre » ?

Et quid de Monsieur Meubles et de Monsieur Bricolage ? Mais aussi de Mister Menuiserie, Mister Auto, Mister Booking ou encore M. Moustache ?…

Ces marques s’adressent à des cibles de tout sexe. La différence est que l’on voie davantage de femmes dans les magasins de bricolage de la marque sus-mentionnée, que d’hommes faisant le ménage en utilisant le géant bodybuildé chauve avec sa boucle d’oreille. (Du moins pour les personnes utilisant encore ce type de produit nocif pour la planète.) LOL jaune.

À l’inverse, pourrait-on envisager une discrimination envers la gente masculine ?
Cela dit, force est de constater que les quelques marques « Madame Quelquechose… », (voire « Mademoiselle…) qui ont toutes la femme pour cible, se situent dans les secteurs bijoux, vêtements et sous-vêtements, coiffure…  Cible spécifique d’un seul genre. On sait à qui l’on s’adresse et c’est le but.
(Mettons de côté le débat du « Mademoiselle ».)

Ce qui me gêne ici, c’est la systématisation, sous prétexte de passer pour progressiste. Alors qu’en matière d’égalité, les vraies questions restent difficiles à faire évoluer, comme par exemple les écarts de salaires !

Genre neutre oui, pensée unique non

Le marketing de genre, ou marketing genré, n’est hélas pas nouveau. Lire cet article.
Il est aujourd’hui remis en question et certaines marques de jouets travaillent à se désengager de l’approche binaire et néanmoins sexuée rose VS bleu. Il était temps !

Bizarrement, les codes couleurs n’étaient pas aussi tranchés quand j’étais petite, ou alors je ne m’en rendais pas compte. Je ne me souviens pas de couleurs spécifiques dans mon enfance. De toute façon, j’ai toujours détesté le rose. (Une façon précocément inconsciente de rejeter le patriarcat ?)

Je jouais aux Légo (les vrais, pas ceux tout en kit déjà quasiment préparés), je jouais également aux voitures, aux indiens, aux trains, au mécano, je construisais des cabanes. Quant aux poupées, j’en avais, mais une fois habillées, déshabillée, rhabillées, quelle perte de temps et d’intérêt ! Je préférais lire, dessiner, écrire, rêver, faire du vélo ou du skateboard sur ma planche adorée. Je faisais du dériveur ou du catamaran en équipe mixte sans que jamais aucune idée d’incompétence ne soit venue à nos esprits en raison d’une différence de sexe.

Je n’ai pas grandi avec une notion de « genre ». Dans mon école primaire (4 classes mixtes et peu d’élèves par classe), les filles pouvaient jouer au foot avec les garçons sans problème (j’ai même été gardien de buts, pardon, gardienne de buts).

C’est peut-être pourquoi toute cette frénésie actuelle autour de ces questions non seulement me surprend, mais me dépasse. Jusqu’à la fin de mes études, je n’ai jamais ressenti un manque de respect d’un sexe envers l’autre, ni un sentiment de supériorité ou d’infériorité. Et les différences ne posaient pas de problèmes. Une période idyllique en comparaison de la régression qui visiblement s’accentue depuis deux décennies…
Mais soulignons qu’à l’époque où j’ai grandi, le premier gros mouvement important concernant le droits des femmes était encore tout frais.

Tout comme le comportement de chacun vis-à-vis de la nature*, le respect de l’autre, quel que soit le sexe, est aussi une question d’éducation !

Si le fait de vouloir contenter tout le monde part d’un bon sentiment – bien qu’en marketing, la sincérité est souvent écrasée par l’opportunisme de business pour rester dans le vent –, et que la notion d’égalité est hautement louable, se précipiter pour le faire à tout prix et pour tout, reste assez casse-gueule, dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. La communication en devient forcément complexe** – on le voit avec les messages malhabiles de la firme Hasbro.

Un marketing « dé-genré » pour ne pas déranger

Bref,  cette question de la représentativité dans la création de tels jouets – et plus largement du traitement des genres en communication – apparaît comme un casse-tête, alors même que l’intention est de mettre tout le monde sur un plan d’égalité.
Le marketing n’est pas une mince affaire par les temps qui courent.

La belle idée qui casse les codes et les schémas, et c’est heureux, cache à mon avis le reste de la forêt : la question de la surconsommation et de l’impact environnemental de ces fabrications à la chaîne, non vitales, alors même que le septième continent de plastique explose les compteurs de l’obésité.

La société de consommation – guidée par le marketing – souhaite surtout ne perdre aucun client, au contraire. Elle va donc soudainement clamer haut et fort qu’elle s’adapte aux évolutions représentatives des humains, alors que la réelle sincérité de la démarche et l’acceptation de ces nouveaux schémas familiaux ne sont pas forcément encore naturelles chez certains dirigeants de ce type de firmes de jouets ou d’autres produits.

Sincère ou calculé, l’enjeu du moment est louable dans l’absolu (ne pas se cantonner à montrer un schéma « classique » et excluant), mais dans la réalité – outre la difficulté de mise en œuvre –, la question fondamentale reste la survie de l’espèce sur une planète largement endommagée par cette même société de consommation qui continue à produire inconsidéremment.

Il est maintenant à espérer a minima que ces figurines légumineuses, hommes, femmes, enfants, qu’ils soient proposés hétéros ou LGBTQIA+, soient surtout usinés dans des matériaux recyclables… Apparemment, des efforts, certes tardifs, sont enfin apparus. Reste à savoir si 100 % des jouets sont récoltés (sur dépôt en magasin) ou si de nombreux parents les mettent encore directement à la poubelle. Le choix moral de faire les bons gestes provient, là encore, de l’éducation… Peu importe le genre !


 

* À noter que ces figurines et tous leurs accessoires, voués à une consommation éphémère, sont toujours fabriqués en plastique, ce qui est tout sauf fantastique !

** Quant à l’écriture inclusive, je préfère ne pas me prononcer, car je souhaite garder ma tension artérielle à son niveau normal…

 


Article de 2013 : influencia.net/fr/actualites/in,tendances,noms-marques-ont-il-genre

Article de 2021 (réservé aux abonnés) : strategies.fr/actualites/marques/4057619W/les-noms-a-consonance-feminine-avantageraient-les-marques

 

Envie de partager ?

Un commentaire sur “Marketing « genré » : le mélange des genres

  1. Domi écrit :

    Bonjour ! Juste pour donner un avis, je ne comprends pas à la lecture de votre article la note sur l’écriture inclusive, cela fait partie de l’évolution de notre langue, le français est compliqué, on le simplifie dans certains domaines (orthographe) et… l’écriture inclusive s’invite dans le sujet. Même si tout n’est pas bon, cela peut être une évolution positive, à l’oral il m’arrive de « penser » à inclure femmes et hommes, garçons et filles, avec un masculin et un féminin, « à toutes et à tous », etc. Bien sûr cela change certaines habitudes, mais la langue évolue, vivante, en permanence. Je ne dis pas qu’il faut « tout prendre » les yeux fermés, mais évoluer… Je trouve aussi la langue française « raciste », je n’ai jamais pu demander une « tête de nègre » au boulanger (j’ai presque 60 ans j’ai connu cette époque)… broyer du noir, tout n’est pas tout noir, le roman noir, montrer patte blanche, des idées noires… C’est ma conscience féministe qui m’a amenée à penser aussi à cela… Pourtant j’ai été cette petite fille qui aimait le rose (je l’aime toujours), jouait à la poupée, etc. Les écoles primaires publiques n’étaient pas mixtes de mon temps… à 7 ans j’adorais les leçons de français mais « le masculin l’emporte » me questionnait… vaste sujet ! merci pour ce superbe blog en tous cas ! (vous connaissez peut être Eliane Viennot ?, si le sujet de la langue française vous passionne, comme je le pense, elle est super !)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.