Vous l’avez sûrement remarqué, c’est par dizaines que l’on voit passer des billets sur les mille et une façons d’écrire un article en une heure, mais aussi en 20 minutes et même en 10 minutes, voire en 5 minutes !
Mais que devient la qualité de réflexion quand celle-ci n’a plus de temps ni de recul ?
Exemples :
5 étapes pour écrire un article de blog en une heure top chrono.
Rédiger un texte propre et unique en 9 minutes.
Comment rédiger vos articles en 5 à 10 minutes.
Et la formule « top chrono » m’exaspère au plus haut point. Mais après quoi court-on, que diable ?
Le pire est dans ce billet « 4 idées d’articles à écrire en moins de dix minutes pour blogueurs pressés et overbookés« .
Au moins ici, la démarche est justifiée : cela s’adresse à des blogueurs pressés (dommage pour eux), voire overbookés.
Oui, aujourd’hui, la vitesse pressure l’activité de rédaction web. Oui, le summum de l’absurdité est tristement atteint. L’écriture, et encore plus si le texte se veut concis, demande du temps. Comment alors peut-on imaginer offrir de la qualité quand la notion d’immédiateté prévaut sur tout le reste ?
La vitesse : le mot magique qui stresse
La question est évidemment au cœur du problème : comment rédiger un bon article pour le Web ?…
« Bon » est ici un adjectif aléatoire, car tout dépend de la satisfaction du lecteur en fin de lecture. Un point c’est tout.
Cela me fait penser à ces artisans qui soulignent à qui mieux mieux la notion de rapidité, comme si c’était devenu une qualité « vous vous rendez compte, et en plus, je travaille vite !« . L’argument de vente qui me donne des boutons par excellence…
Que ce soit pour de la peinture, pour de la maçonnerie, pour changer des fenêtres, pour réparer je ne sais quoi : chaque fois, c’est la même rengaine ! Mais non, justement, je ne veux pas que vous alliez vite. Au contraire, cela me fait douter du résultat final.
Combien de fois voit-on un travail certes terminé « selon les délais du devis », mais qui s’avère salopé, bâclé ? (Sans parler de la qualité des produits utilisés…)
Un peintre en bâtiment, ou tout autre sous-traitant, qui me dit qu’il travaille vite, voire très vite, me fait peur et ne risque pas d’avoir mes faveurs. Le travail bien fait demande de s’appliquer et non pas de courir un marathon. Je sais que pour eux, le temps compte également : en effet, pourquoi répondre à cinq clients dans une journée quand on peut en faire dix ?… C’est le système économique dans lequel nous sommes imbriqués qui veut ça. Bien sûr qu’on le sait. Il n’empêche qu’on a le droit de revendiquer la qualité.
Une chose est évidente : la notion de qualité n’a pas forcément la même valeur pour tout le monde. Elle ne veut pas dire la même chose puisque d’un côté, les objectifs peuvent être différents, tout comme en face, les attentes peuvent être différentes.
La qualité d’un contenu est-elle compatible avec la vitesse ?
Là encore, qu’appelle-t-on un contenu de qualité :
– est-ce celui qui sera court et rempli de mots-clés basiques, mû par le désir et l’objectif unique d’être référencé (le référencement étant démoniaquement fluctuant) ?
– où bien est-ce un contenu utile, quelle que soit sa longueur (utile dans le sens d’apporter réellement de l’eau au moulin de la réflexion d’un sujet donné) ?
Vous allez me dire dans l’idéal, écrire pour le Web, c’est arriver à un équilibre entre les deux (sujet abordé dans contenu de qualité).
Rédiger à la hâte n’est pas forcément gage de qualité. L’approche n’est évidemment pas la même, l’objectif non plus, semble-t-il. Je parle notamment d’un billet de blog. Car bien évidemment, une annonce pour répondre à une crise par exemple ne pourra pas s’assurer du moindre recul ; mais dans ce cas, le vocable employé est bien souvent préparé en amont, en prévision d’aléas.
À l’inverse, ce n’est pas parce qu’on a mis du temps à rédiger un texte, qu’il soit court ou long d’ailleurs, qu’il sera forcément un article de qualité. Tout est relatif, comme dirait notre ami Einstein.
Toutefois, prendre le temps de réfléchir à ce que l’on transmet et à bien le rédiger (même pour le Web), est une forme de respect aussi pour le lecteur-internaute. Car, ne l’oublions pas, c’est d’abord pour lui que l’on écrit !
Alors vouloir se dépêcher à tout prix de publier un billet en moins de temps qu’il ne faut à un oiseau pour gober une mouche, me paraît contradictoire : est-ce alors que l’on est si pressé pour vouloir se débarrasser de cette tâche au plus vite, comme si c’était une corvée ? Serait-ce qu’elle nous passionne si peu ?
Devoir bâcler quand il s’agit d’un scoop avec une deadline, de l’actu toute chaude, cela peut encore se comprendre (« bâcler mais le mieux possible » étant la célèbre expression de Frédéric Pottecher, peut-être encore enseignée dans les écoles de journalisme). Mais pour un article ou un billet de blog, même professionnel, même soumis au temps, la vitesse est un tueur à gage, qui risque justement de ne plus pousser l’internaute à l’engagement.
Mon sous-titre met en parallèle qualité et vitesse. Le temps n’étant pas pris pour réfléchir en profondeur au sujet abordé et le développer correctement, la question peut effectivement se poser sur la qualité finale du message que l’on veut partager. On risque alors de se retrouver avec peu de matière, qui plus est toujours la même ! La pensée s’appauvrirait-elle ? C’est plutôt que pieds et points liés à la mesure imposée de rapidité, on n’a plus le temps de penser…
Un contenu écrit en dix minutes manque par définition de recul. Du coup, la forme et le fond en font souvent les frais. Alors qu’une information peut avoir de la valeur sur le fond, elle est publiée tellement vite qu’on ne s’embarrasse pas toujours de servir son réel intérêt. Elle va être exploitée en termes de temps « je suis le premier à vous le dire« , ou bien « voyez je produis du contenu, je publie tous les jours, j’existe ! ».
Bravo pour le record, mais personnellement, j’ai rarement vu un billet écrit et posté à la va-vite totalement exempt de fautes – alors que l’absence d’erreurs fait aussi partie de la qualité d’une rédaction. Par conséquent, n’est-ce pas se ficher un peu de la tête du lecteur-internaute ?
Vitesse de rédaction et rentabilité : un leurre
La société est tombée dans une spirale de précipitation permanente où la notion de productivité, de quantité (ici particulièrement en termes de contenu) paraît avoir tout détrôné. Tout étant instantané, on demande également d’adapter sa vitesse de rédaction.
Alors que d’une part et comme on le sait, la quantité n’est pas toujours forcément un gage de qualité, et que d’autre part le traitement d’un sujet en profondeur ne peut se faire que si l’on a n’a pas de train à prendre.
Rédiger « pardessus la jambe » selon l’expression, permet peut-être de buzzer temporairement sur un texte court que l’on aura truffé de techniques SEO, mais ne risque guère de rester dans les annales.
Autrement dit, vitesse et rédaction web ne sont pas compatibles, surtout si l’objectif est la qualité.
Plus encore, on continue de croire que vitesse est synonyme de rentabilité. Cela me rappelle une certaine fable de la Fontaine avec un lièvre et une tortue…
PS : en général, 1 heure est une bonne moyenne. J’ai mis environ 2 heures, en termes de mobilisation totale pour écrire cet article, le temps de choisir ce que je voulais dire sur le sujet par une petite réflexion (lecture comprise des infos mises en lien), de le laisser mariner, de revenir dessus, de couper des longueurs, de réécrire, de relire et corriger, de trouver des images libres de droit, etc.
À titre d’exemple, pour les plus longs billets de mon blog sur le storytelling, je peux mettre entre 1 heure et 4 heures. Alors 9 minutes chrono…
ET VOUS, QUELLE EST EN MOYENNE VOTRE « VITESSE » DE RÉDACTION ?