S’il est un phénomène que je constate de manière récurrente dans mon activité, c’est bien celui de la négligence du nom de domaine lors de sa réservation, dans le cadre d’une création (entreprise, start-up, marque, événement…).
Avec plus de 800 000 sites créés chaque jour rien qu’aux États-Unis*, comment trouver son ‘Uniform Resource Locator’ : son adresse Web ?
Rapide état des lieux en chiffres
Il est très difficile d’avoir une fourchette valable de données à propos du nombre de sites qui se créent (que ce soit par jour ou par an), actifs ou non, professionnels ou personnels. Certains domaines ont plusieurs extensions qui « dorment », d’autres retrouvent leur liberté et donc le marché (voir plus bas), soit parce qu’un site meurt de sa belle mort soit parce que le domaine n’est pas renouvelé. Et ne parlons pas des blogs qui peuvent être aussi des sous-domaines !
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas confondre nombre de sites en ligne et nombre de domaines réservés : sachant qu’un site peut être lié à plusieurs noms de domaine, ces derniers sont forcément plus nombreux.
Compte tenu de ce qui a pu être mesuré (donc uniquement ce qui est mesurable), la société Netcraft – qui effectue un calcul mensuel depuis 1995 – fait ressortir plus de 670 millions de sites Internet actifs fin avril 2013, tous profils confondus, avec presque 24 millions de nouveaux sites dans le monde en un mois.
L’Américain Brad Frost avance plus de 800 000 créations de sites par jour. En multipliant ce chiffre par 30 jours, nous arrivons effectivement à 24 millions par mois. Mais 24 millions multipliés par 12 mois font a priori 288 millions de créations de sites par an.
*Source : Death To Bullshit from Brad Frost
Petit calcul mathématique (pour une littéraire, c’est un défi !) mais je voudrais y voir plus clair car on peut rapidement y perdre son latin : même si certains ont parlé de 644 millions de sites en 2012, je préfère toujours me référer à Netcraft qui pour la même année calculait 580 millions de sites sur le Web. L’augmentation serait donc d’environ 100 000 millions en un an.
Or, si l’on part des 23 millions de nouveaux sites constatés depuis le mois dernier et qu’on les multiplie par 12 mois (en imaginant une stagnation), nous arrivons à 276 millions de plus en un an. Une pensée vertigineuse, surtout si l’on imagine une progression mensuelle…
Toutefois, seulement un cinquième de ces sites créés seraient réellement actifs. Cela est d’autant plus rageant quand on se met à chercher un nom de domaine (ndd) et que l’on constate que celui que l’on voulait est en stand-by, réservé mais ne servant à rien…
Sans parler de ceux qui font du pur business autour de l’achat de noms de domaine simplement pour les bloquer et essayer de les revendre : une pratique sans nom (si l’on peut dire) ; leur dernière lubie étant de réserver votre patronyme, espérant vous le vendre quelques dollars.
La prudence serait donc que chacun d’entre nous réserve son domaine personnel, pour être tranquille. Mais la démarche est encore loin d’être systématique. On se souvient à ce propos, de l’aventure que vécut Inès de la Fressange. Or, même si vous n’êtes pas connu, même si vous ne représentez pas une marque, répétons ici que « prudence est mère de sûreté ».
Nom de domaine, nom tout court…
Un client croit souvent que trouver un domaine est facile, qu’il suffit de l’acheter (certains ne savent pas encore qu’il s’agit d’une location, tout comme pour l’hébergement).
La première difficulté lorsqu’un client qui n’est pas rôdé à Internet vous demande de trouver un nom, c’est lorsqu’il arrive avec ses propres propositions dont vous savez pertinemment qu’elles sont déjà évidemment toutes indisponibles…
Il s’agit alors de gérer dans la foulée à la fois sa surprise et sa déception. C’est d’ailleurs assez curieux, car il se comporte comme s’il était seul au monde. Comme s’il n’arrivait pas à se représenter, à visualiser, le volume de flux vertigineux qui vit sur la toile. Il ne pense pas que le nom qu’il souhaite puisse être déjà pris…
En termes d’appropriation de noms et de dépôt de marques, Internet est évidemment venu tout bousculer. Et certaines TPE qui se réveillent actuellement pour créer (enfin) leur site, peuvent découvrir que leur nom est déjà réservé, voire actif en ligne, et cela bien que leur nom de société soit à l’INPI.
La création d’un nom, société ou marque, est aujourd’hui directement liée à la disponibilité d’un domaine. Et comme la toile est incontournable pour la communication que vous allez forcément devoir faire, il vaut mieux vérifier à deux fois au moment où vous déposez un nom (voir plus bas).
Ces différents paramètres compliquent donc la tâche… S’ajoutent à cela les noms de domaine des applications. Comme dirait Sempé, « rien n’est simple, tout se complique » avec la multitude d’extensions ou tld (top level domain), que le client a d’ailleurs tendance à confondre avec le nom de domaine lui-même…
Pour pallier cette croissance des noms de domaine, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) – qui y réfléchissait depuis 2008 – permet maintenant un choix élargi avec par exemple des extensions de régions (.corsica .bzh), ou de villes (.berlin .paris) (1). Mais aussi prochainement les .marque et les noms d’entreprise. Et bien sûr le .appli qui est au smartphone ce que le .com est à l’ordinateur.
En termes de nombre, les applications risquent d’ailleurs non seulement de rattraper les sites Web, mais certainement de les dépasser. Les extensions se diversifient et l’on pourra bientôt choisir n’importe quel mot.
Bref, attendons-nous à un bel imbroglio au niveau référencement et surtout à un petit coup de massue budgétaire pour peu que l’on veuille (doive) sécuriser son image en additionnant différentes extensions à un même nom de domaine, en plus de le décliner (au pluriel, collé, etc.)
(1) Espérons que la Ville de Paris se soit mise dans les starting-blocks pour pré-réserver « paris.paris », qui résonne si bien…
La réponse qui tue : » Parce que j’aime bien »
La deuxième difficulté est de gérer le désir du client, lequel est rarement compatible avec la réalité et une stratégie qui vise un impact (communication, référencement).
En général, le client (et c’est légitime) demande un nom court, sympa, moderne, parfois en anglais » parce que ça fait bien « , ou bien exactement le nom de sa boîte ou de son produit ou service.
Toute la difficulté est, entre autres :
- de lui décrire l’ampleur de la situation ;
- de lui demander d’imaginer les millions de réservations déjà effectuées sur tous les mots de quatre lettres ainsi que tous les noms simples et courants ;
- de lui faire comprendre que si on ne lui a rien proposé d’emblée, c’est parce que l’on sait déjà quelle est la réponse à une vérification ;
- de lui souligner que l’anglais risque d’être contre-productif si les clients qu’il cible sont uniquement francophones ;
- de justifier du temps dépensé à lui faire découvrir une problématique qu’il ne soupçonnait pas.
S’il vous dit qu’il aimerait tel ou tel nom de domaine, le défi est d’arriver à lui faire comprendre
que de toute façon, TOUS LES MOTS de trois, quatre (voire bientôt cinq) lettres ne sont pas disponibles. En passant, vous pouvez lui rappeler qu’un « ndd » peut se composer de lettres de l’alphabet, de tirets mais aussi de chiffres.
Par ailleurs, un bon nom – car oui, au fait, qu’entend-on par « bon » ? – est aujourd’hui un ou plusieurs mots qui vous identifient tout de suite, qui fait comprendre votre secteur d’activité ou votre démarche, mais pas que. En fait, le référencement (parce qu’on en est là quand même), commence par le mot-clé qui fait office de tête de gondole dans votre URL.
Par habitude, le .com reste la base de référence (aux côtés de l’extension de votre pays). Quand un nom est libre, il est préférable de réserver plusieurs extensions pour être tranquille. Mais pas seulement : il est aussi conseillé de réserver des noms de domaine approchant… avec traits d’union (on dit plus souvent « tiret ») et tout attachés (on dit plus souvent « collés »), ou encore une version au pluriel s’il est au singulier, et inversement.
En effet, après les noms courts et les noms en anglais, les noms en forme de « phrase » est une troisième tendance, faisant donc apparaître plusieurs mots-clés. Pour un meilleur référencement, il vaut mieux les séparer.
EXEMPLE
Prenons un domaine qui apparaît libre le jour où j’écris ce billet (11 mai 2013) :
« la communication transmedia« .
Il est donc possible de réserver au moins :
lacommunicationtransmedia.com
la-communication-transmedia.com
Le second URL est certes plus long mais plus lisible et si un seul de ces mots est « googlisé », au niveau de la sémantique, il pourra être mieux repéré et mieux positionné qu’un bloc de lettres attachées. En effet, les moteurs de recherche ont plus de mal à séparer les mots s’ils sont collés.
Notre second URL serait donc choisi pour l’hébergement.
Mais on sera également inspiré de réserver lacommunicationtransmedia.fr et bien sûr la-communication-transmedia.fr
Or, tant qu’on y est, il faut penser aussi à le faire sans l’article :
communicationtransmedia.com
communicationtransmedia.fr
communication-transmedia.com
communication-transmedia.fr
Ainsi, l’adresse principale rattachée à l’hébergement pourrait être :
http://communication-transmedia.com
Et si vous voulez vraiment dormir sur vos deux oreilles, vous pouvez dans la foulée réserver les deux versions (collées et avec tiret) en .org et .net…
Tout ce petit monde pourra ensuite pointer vers l’URL choisi officiellement pour votre site Web.
(À souligner que ces deux termes, « communication » et « transmedia », sont les mêmes en anglais…).
Pour cet exemple, nous avons donc vérifié sa disponibilité, écrit à toutes les sauces. Il est intéressant de constater que le 30 janvier 2013, un Franco-Brésilien vivant à Paris a réservé, via Gandi, uniquement communicationtransmedia.fr et pas le .com ni même communication-transmedia.fr (source : afnic). Quatre mois et demi et toujours rien en ligne…
Que faire ?
Deux solutions se présentent : soit vous laissez tomber et trouvez autre chose, soit de votre côté, vous avez un projet dont l’objet est directement lié à ces deux mots-clés et décidez d’utiliser cette appellation : vous réservez alors tous les exemples cités plus haut (en ajoutant pourquoi pas quelques extensions, histoire de blinder), vous créez votre site, développez votre projet (ou inversement). Vous êtes donc heureux.
En passant, voici une petite astuce au cas où vous mettriez du temps à fignoler votre site avant sa mise en ligne, et qui permettrait un crawl plus rapide le jour-j…
À ce stade, pris de cours (et peut-être dépité), le loueur du domaine communicationtransmedia.fr, abandonnera son unique URL que vous vous empresserez de récupérer. Bien sûr, cela dépend aussi du profil de celui qui a réservé un domaine avec une seule extension. Il s’agit vraiment de peser le pour et le contre, de discerner (un professionnel d’un particulier par exemple), de deviner leurs ambitions.
Tout ceci demande une veille et une recherche supplémentaire, histoire de vérifier.
Par exemple, en cherchant bien, nous avons découvert que le domaine communication-transmedia.gd était pris (.gd pour Grenade). Mais cela laisse de la marge ! De toute façon, dans la mesure où le transmedia est une approche qui va se développer rapidement et largement, il serait surprenant que le top level reste libre très longtemps pour ce domaine.
Tout cela peut paraître évident à certains, mais je préfère le préciser et le répéter car malheureusement, je constate encore pas mal de jeunes startupeurs qui n’y pensent pas forcément, trop contents d’avoir trouvé un « super » nom !
Pensez à verrouiller, même si cela coûte quelques euros de plus.
Réseaux sociaux : anticiper, vérifier, décliner
Dans cette course non pas à l’échalote mais à une e-cohérence, et avant de crier victoire, il s’agit d’anticiper la disponibilité d’un nom au-delà de l’URL et de l’extension : il faut penser aujourd’hui aux réseaux sociaux, particulièrement et en priorité à Twitter, Facebook…
Ce devrait être automatique, même si vous n’avez pas l’intention de passer par ces plateformes.
Cette recherche fait déjà partie de la stratégie de communication globale et anticipatrice, nécessaire si vous ne voulez pas vous prendre un mur par la suite. Préparer le terrain (anticiper), c’est réserver tout de suite, si bien sûr le nom en question est libre partout.
(Je ferai ultérieurement un billet sur la question des comptes Twitter.)
Il faut donc penser à se projeter pour sécuriser votre future image et pouvoir créer une communication logique sans interférences. Et comme dirait Monsieur de la Palisse, communiquer à partir d’une image cohérente offre un meilleur impact.
Réfléchir à une communication globale dès le début
Pour une start-up, le défi est d’être à la fois efficace, avoir si possible du sens et être référençable : bref, trouver un « bon » nom de domaine aujourd’hui, relève du casse-tête chinois (pléonasme).
Le choix d’un nom de domaine pour son activité dépend aussi de son secteur, de son profil, de sa cible, du marché sur lequel on se positionne. Une boutique en ligne de vêtements pour bébés par exemple n’aura pas du tout la même démarche de réflexion sur la question qu’une start-up technologique qui propose un nouveau logiciel.
Pour une boutique en ligne, de création, de mode, ou tout autre produit d’ailleurs, cela se révèlera plus « facile », plus souple, plus ouvert : vous pouvez lister vos atouts et en retirer des mots-clés que vous utiliserez pour créer un univers.
D’ailleurs, ces derniers temps, la tendance est aux domaines longs (parfois même des phrases entières) reprenant ce qu’un internaute serait susceptible de taper dans un moteur de recherche. Par exemples : jechercheunchat.com ; jeprepareunvoyage.com ce qui permet un référencement plus pertinent.
Penser son concept et sa communication en même temps que son nom de domaine.
Après, tout dépend de vos objectifs, de la concurrence, etc. Le marketing entre en jeu très rapidement. Ne l’oubliez pas lorsque vous démarrez votre petite entreprise sur Internet.
La question de la langue étrangère
Par ailleurs, pour le fondateur qui ambitionne de développer sa start-up à l’international, il s’agit de bien penser son projet et ses objectifs de développement (même théoriques) en amont. En effet, même si ce n’est pas à l’ordre du jour et que vous vous développez pour le moment uniquement dans votre pays (par exemple, en France), vous serez bien heureux de pouvoir toucher un jour (voire, très vite) le marché américain.
Quid alors du nom de domaine et des extensions ? Soit votre nom est en français et il faut l’imaginer en anglais : donc vérifier s’il est déjà pris ou pas (s’il est pris, à vous de l’adapter différemment) ; soit votre nom est déjà en anglais, qui plus est, réservé en .com et alors a priori le chemin semble plus ouvert.
Quoi qu’il en soit, veillez toujours à réfléchir de manière globale avant de faire quoi que ce soit. Anticiper évite des pertes de temps, voire d’argent, et de désagréables surprises, sans compter des nuits blanches à trouver des alternatives.
PS : même si vous êtes bilingue anglais, faites appel à une personne dont c’est la langue maternelle, car l’américain tout comme l’anglais recèlent parfois des pièges, et ce serait idiot de vous développer avec un URL dont une signification populaire qui vous aurait échappé vous fasse devenir la risée d’un pays.
Une astuce qui vaut ce qu’elle vaut
Comme il est, vous l’aurez compris, très difficile d’établir un super nom peu ou pas du tout utilisé, il est parfois intéressant de surfer sur les forums et les réseaux pour lire les pseudos, car certains peuvent donner des idées, être suffisamment imaginatifs et surtout se révéler disponibles… Parce qu’on ne le répétera jamais assez, en matière de nom de domaine, c’est « le premier qui dit qui y est » !
Tenter le rachat ?
Une seconde chance : avec ces millions de domaines en circulation, beaucoup finissent aux oubliettes, redevenant disponibles, après avoir eu une vie… et un référencement. Eh oui ! Pourquoi ne pas penser à utiliser un « ancien » domaine si celui-ci convient à votre profil, votre activité, vos objectifs, votre image ?
Pour les connaître, Kevin Lion a eu la bonne idée de lancer adopteundomaine.com ce qui peut s’avérer pratique vu le contexte. Il explique ici le pourquoi du comment de son site qu’il positionne à juste titre comme le spécialiste des noms de domaine expirés.
Si vous rachetez un domaine pour en faire quelque chose avec une stratégie de communication derrière, pensez à vérifier si ce nom est aussi utilisé sur les divers réseaux et comment il se présente en tant que pseudo.
Goody !
Je termine avec un peu d’humour sur ce sujet inépuisable : pour l’anecdote.